Enakia était de sortie. De sortie non-autorisée. Elle était passée par la fenêtre de sa chambre et avait déployé ses ailés. On était encore à l'aube et le soleil levant dessinait de larges ombres dans les rues. L'ange n'y prit pas garde. Elle pensait à ce qu'elle venait de faire. Elle avait menti à la matrone. Elle lui avait dit qu'elle ne se sentait pas en état de recevoir des clients et même de voir qui que ce soit aujourd'hui. La femme n'avait pas insisté. Elle obtenait presque toujours ce qu'elle désirait. Elle était la seule ange de la maison close après tout. Ses désirs étaient presque des ordres. Et puis, elle ne lui appartenait plus vraiment. Bientôt elle partirait pour elle ne savait où avec un illustre inconnu. Elle sentit les poils de ses bras se hérisser. Il lui faisait toujours aussi peur. Elle s'efforça de chasser toutes ces pensées négatives qui l'empoisonnait. Si elle avait repris la voie des cieux ce n'était pas pour rien. C'était pour se détendre, pour retrouver un peu de goût à la vie. Elle se laissa doucement porter par un courant ascendant. Les anges volaient bien peu, il n'était pas le moment qu'elle se fasse repérer. Elle monta haut, toujours plus haut. Ne s'arrêtant que lorsque le manque d'oxygène brula ses poumons. Malgré la douleur elle souriait. Elle souriait du vent dans ses cheveux, du soleil sur sa peau, de la fraîcheur de l'air au petit matin. Elle observa la ville sous elle, les grands immeubles réduits à presque rien. Il était si facile de s'enfuir ! Mais elle savait cependant qu'elle rentrerait ce soir. Elle n'était pas faite pour vivre une vie de fugitive. Elle n'aurait jamais le courage d'aller chercher les rebelles pour qu'ils lui viennent en aide. Elle dépassa les limites de la ville, surprise de n'être toujours pas arrêtée. Elle rit aux éclats, pensa au jeune homme qu'elle avait rencontré quelques temps auparavant. Oui, elle le ferait voler, elle lui ferait découvrir le bonheur du ciel.
Ciel qui s'éclaircissait dangereusement. Enakia préféra redescendre. Elle ne comptait rentrer qu'au couvert de l'obscurité pas alors qu'elle venait tout juste de sortir. Elle atterrit avec grâce et légèreté aux abords de la forêt. Elle en avait assez souvent entendu parler mais ne s'était jamais aventurée sous les hautes frondaisons. Elle fit un pas en avant, repliant ses ailes blanches et duveteuses. Elle s'avança à petits pas délicats sur le sentier. La journée était belle et propice à la promenade. Elle pouvait se contenter de ça. Une journée de liberté grapillée. Elle se doutait bien que cela ne se reproduirait pas avant longtemps. Voir même jamais ... Bien décidée à passer une bonne journée elle chassa résolument tous ces soucis dans un recoin sombre de son esprit. Alors qu'elle bifurquait à un embranchement elle entendit des pas dans son dos. L'ange fit volte-face, prête à pendre la fuite, le cœur battant à cent à l'heure. Elle détailla, surprise, la personne qui l'avait suivit. Quelqu'un qui lui ressemblait étrangement. Enfin, par ressemblance elle voulait surtout parler des ailes qui pointaient dans son dos même si elle portait la même chevelure blonde qu'elle. Enakia lança un petit sourire timide à la jeune ange. Elle n'avait pas l;'air plus à l'aise qu'elle dans ce genre de situations. La citadine était cependant soulagée qu'il ne s'agisse pas d'un homme animé de mauvaises intentions. Son corps était déjà bien assez souillé. Il n'était pas la peine d'en rajouter... Elle se racla doucement la gorge, cherchant l'expression qui serait la plus adaptée.

- Bonjour, enchantée.

Ah oui, c'était très recherché en effet ... L'ange se sentit légèrement rougir face à sa bêtise. Elle devait vraiment avoir l'air d'une imbécile maintenant. L'autre devinerait-elle qu'elle s'était échappée ? Allait-elle vouloir la ramener vers la ville ? Enakia fit taire ses craintes. Elle pouvait bien faire confiance à l'une des siens n'est-ce pas ? En tous cas elle l'espérait de tout son cœur.

- Est-ce que vous connaissez un peu la forêt ?

Elle ne savait pas si la question était très appropriée mais elle aurait voulu s'enfoncer un peu plus profondément dans les bois mais n'osait le faire seule. Elle avait terriblement peur de se perdre. Son sens de l'orientation n'était pas catastrophique mais elle doutait de parvenir à se retrouver au milieu de toute cette verdure. Et la voie du ciel semblait bel et bien lui être fermée alors qu'elle se trouvait là. Prenant alors conscience qu'elle ne s'était pas présentée l'ange bafouilla rapidement les présentations, se faisant l'effet d'une parfaite idiote une fois encore.

- Je m'appelle Enakia, pardonnez moi d'avoir oublier de me présenter.

Moi, mes pensées et pourquoi pas toi ?

La tête haute, la marche vivante et le regard fier ; Tout ce qu'Angel avait. Elle ne connaissait pas tant la forêt, mais pourtant, ce lieu lui semblait bien familier. Elle adorait le crissement que ses pas produisaient lorsqu'ils rentraient en contact avec le sol, l'odeur grandiose des sapins et non le moindre, ce magnifique décor verdâtre qui l'entourait, voire royalement. Par contre, elle ne se serait pas attendue à voir quelqu'un de sa race. Quelqu'un ayant sur elle de jolies ailes blanches, ressemblantes aux siennes. Angel resta silencieuse quelques instants, observant attentivement la silhouette devant elle. Elle était cependant silencieuse et songeait à plusieurs répliques intelligentes qu'elle pourrait lancer. Évidemment, ce n'était qu'une créature comme elle. Comment pourrait-elle lui faire autant de mal ? Tout de même, l'ange demeura méfiante et fit un pas vers l'arrière.

- B-Bonjour...

Si elle serait en solitude, Angel se serait tapée sur le front, jusqu'à se donner un coup de poing à elle-même. Mais lorsque nous sommes en compagnie d'une personne qui nous ressemble, cela peut s'avérer comme très étrange et cela peut bien apeurée « l'adversaire». Angel s'était crue aussi légère qu'une plume et très confiante. Ce n'était pas le cas, malheureusement. Même si son assurance s'était peu à peu échapper d'elle, elle n'osa pas quitter l'étrangère de contact. Plutôt que de partir brusquement, elle ne fit que détourner son regard intense pour admirer le paysage forestier, comme un aigle recherchant sérieusement sa proie. Elle venait de lui poser une question ayant un certain rapport avec sa connaissance sur cette forêt. Pourquoi ne pas répondre ? Elle ne l'avait pas mordue, quand même ! Enfin, cela serait un peu déplacé d'agir comme ainsi. Même selon l'une des personnes les plus impulsives que nous pourrions rencontrer, qui était elle. En effet, le regard de l'étrangère était beaucoup trop doux pour exprimer de la haine féroce.

- La forêt ? S'entendit-elle répondre en laissant même échapper un rire. Je crois bien qu'aujourd'hui est ma première visite dans cet endroit.

Enfin, une réplique qui était beaucoup plus naturelle. Elle soupira aussitôt, rassurée. Angel était seulement un peu craintive, ce qui était tout à fait normal. Elle n'avait pas l'habitude de croiser des anges, peut-être. Elle fit battre doucement ses ailes brillantes, produisant un doux son et un mouvement opposé du vent qui s'entraînait vers la gauche. Puis, elle entendit la silhouette se présenter ; elle savait à présent son nom. Enakia. Un nom plutôt facile à prononcer, jolie et calme.

- Ce n'est rien. Et moi, je me nomme Himiru, Angel Himiru. Je suis de même ravie de faire votre connaissance, ma chère.


HRP : Désoler du retard ! Si tu veux que je modifie quelques trucs, n'hésite pas ! ^^

- La forêt ? Je crois bien qu'aujourd'hui est ma première visite dans cet endroit.

Ah, c'était donc une nouveauté partagée puisque Enakia n'avait elle non plus jamais posé les pieds ici. Elle ne comprenais pas pourquoi son interlocutrice semblait si tendue. Ce n'était pas elle qui risquait de lui faire le moindre mal. Avait-elle l'air si féroce que ça ? Elle ne pensait pas. Elle était un être plutôt frêle et ses grandes ailes blanches voulaient bien dire ce qu'elles voulaient dire. Elle était un être de dieu, un être divin habité par la bonté. Mais peut-être que l'autre avait déjà compris. Peut-être qu'elle avait déjà saisi. Qu'elle avait su voir sans qu'aucun mot ne soit nécessaire. Cela se lisait peut-être dans son attitude. Elle ne savait pas. Elle se retint de faire un pas vers l'arrière. Elle savait qu'un ange souillé n'était pas mieux qu'un démon. Elle ne voulait pas subir un tel regard de la part d'une de ses paires.

- Je me nomme Himiru, Angel Himiru. Je suis de même ravie de faire votre connaissance.

Enakia eut un léger sourire. Elle avait prononcé ce mot plus par politesse qu'autre chose mais elle était contente qu'il lui revienne. Peu de gens étaient heureux de la rencontrer. Plutôt du genre satisfaits … Son regard bleu se voila quelques instants. Il ne fallait pas qu'elle laisse les images de la maison close la suivre jusqu'ici. Pas alors qu'elle s'était envolée pour ne plus avoir affaire à eux tous. Pour ne plus voir tous ces porcs avides de profaner son corps. Elle devait profiter de ces quelques heures de liberté qu'elle s'était accordé à l'insu de tous. Si jamais elle était découverte … Un tremblement parcouru ses membres sans qu'elle ne puisse rien y faire. Elle adressa un petit sourire contrit à l'ange en face d'elle.

- C'est un nom tout à fait approprié, répondit-elle dans un sourire.

Elle même ne savait pas d'où venait son prénom. Elle enviait un peu celle qui lui faisait face. Celle qui portait un nom de famille, celle qui était plus qu'un animal jeté en pâture à plus fort qu'elle. Enakia ne se laissa pas emporter par le poison qu'est la jalousie. Elle était bien assez souillée ainsi. Il n'était pas besoin qu'elle vienne en rajouter une couche. Son comportement devait être irréprochable. Elle devait pouvoir expirer ses fautes.

- Qu'est-ce qui vous amène ici si la forêt vous est inconnue ? Une envie de découverte peut-être?

L'ange hésitait à tutoyer son homologue. Elles ne semblaient pas être du même rang. Cela se ressentait rien qu'à leurs manières de se tenir. Angel s'était avancée la tête haute et la pas vif, le regard porté vers l'avant, vers l'avenir et ce qu'il pouvait encore lui réserver. Enakia avait le pas délicat d'une ombre. Le pas de celui qui sait par expérience que moins on se fait remarquer mieux on se porte. Le regard tourner vers le bas par peur d'affronter un avenir qui ne sera certainement pas clément.

- Enfin, ne répondez que si vous le souhaitez, je ne veux pas vous paraître trop curieuse.